La fontaine d'eau

Pour tous les inhibiteurs de café au boulot, la société de consommation a inventé la fontaine d'eau. Formidable invention, la fontaine d'eau! Un bidon (19,8L exactement) renversé, 2 tireuses, l'une pour l'eau réfrigérée et l'autre pour l'eau à température ambiante, un porte-gobelets, et voila, le principe est simple mais efficace. Avec le calendrier outlook, cet outil, que dis-je, ce tool est indispensable à l'accomplissement du labeur journalier. Comme dirait l'autre: "Si t'as pas d'eau, tu meurs". Soit.

De plus, cette fontaine est un formidable vecteur pour l'analyse comportementale de l'être humain. Après tout, la quête d'eau n'est elle pas un de nos besoins primaires? Vous aussi, observez dans votre bureau cette meute de travailleurs assoiffés se ruant vers la fontaine d'eau, la gorge déjà sèche et l'oeil rouge. Et ne me faites pas croire que ca n'arrive que dans mon bureau.

Subtile transition pour évoquer la fontaine d'eau à mon bureau. Je l'ai baptisé "poitrine". C'est mon sein nourricier et je peux y têter à 2 endroits. Chez nous, elle est située près de l'entrée, à côté du bureau de la secrétaire. En fait, sa position officielle, c'est Teamassistentin. Ca en jète plus quand même. Régulièrement, les consultants partent s'abreuver en troupeau, le verre vide à la main, en direction de la fontaine, bien décidés à repartir le verre rempli. Le chemin vers la source est dangereux, truffé de managers à l'affût ("He, j'ai un projet vachement bien pour toi, ca t'intéresse?"). Le troupeau reste solidaire, esquivant subtilement le danger. On se défend. Arrivé à la fontaine, dans un silence presque religieux, chaque consultant remplit patiemment son verre. C'est l'occasion de parler aux autres espèces peuplant le bureau, RH ou Teamassistentin. On se repose sur le beau canapé en cuir avant de repartir dans sa tanière, entre le PC et le ventilateur. Ouf, mission accomplie.

Parfois, cette douce quiétude est troublée par une espèce particulière, le candidat. Non content de prendre ses aises sur le canapé, il s'abreuve aussi à notre fontaine. Une vraie plaie. Sa mauvaise conscience l'oblige à lire "electronic magazine", posé diabloliquement devant lui. Interro à la fin de l'entretien! Nous, on se dit que c'est pas le bon moment d'y aller. On attend, on guette. Ah c'est bon, il se fait charcuter par un manager, la voie est libre, on va pouvoir s'abreuver.

En ces temps de grosse chaleur, un autre danger guette. La source se tarit. Hier, nous avons déjà du procéder à des mesures draconiennes. Les managers doivent se contenter de café, les candidats sont privés d'eau. Les discussions sont restreintes afin de ne pas dessécher les gosiers inutilement. Faut bien vivre...

La Teamassistentin a déjà fait une danse de la pluie. Je n'ose pas imaginer les batailles cruelles et sans pitié qui vont avoir lieu lorsque le dernier bidon sera épuisé. Un massacre. Prions.